Article de Michel PETIT
Édition du Mercredi 12 décembre 2001 – Page 19 – Téléchargez l’article PDF
Un coq, beau de beau, crête au vent… Qui toise le village, par 40 mètres de haut. Sans jamais, potron-minet, éveiller les villageois.
C’est l’événement de la semaine à Ochamps, qui perpétuant une belle tradition wallonne, a fait la fête au gallinacé.
Au cœur du village ardennais, le clocher de l’église laissait apparaître quelques signes de lassitude, de vétusté. Qui ont conduit les édiles et la fabrique d’église à délier les cordons de la bourse. La restauration fut confiée à une entreprise de la région, la société bertrigeoise Golinvaux qui, aujourd’hui, a mis un terme au chantier. Il fallait aussi requinquer le coq. Samedi dernier, il a refait sa joyeuse entrée à Ochamps. C’était donc l’occasion d’une fête dans la communauté villageoise.
«En 1945, lors de la victoire, des gens ont tiré en l’air. Ils ont touché le coq de l’église»
Tout a commencé le matin. L’équipe de l’entreprise, très consciencieusement, a baladé le fier animal dans les rues de la localité. Elle s’est arrêtée dans toutes les maisons pour présenter l’animal, doré de la crête à l’ergot. Si l’on en croit la coutume, chaque ouvrier, chaque ardoisier a eu droit à la goutte, servie dans chaque cuisine. Vrai? Non, non , dit le patron… Pas question de boire quoi que ce soit avant de gravir le clocher. Il a tout a fait raison le patron…
Samedi, 14 h 30… L’équipe prend place sur le parvis. Cocorico… Le coq, le coq… , chantent les enfants. Ils assaillent l’animal, le caressent. Le coq, le coq… C’est vrai que, sans coq, les poules s’en trouvaient fort dépourvues.
L’événement, au pied de l’église, vaut bien une chanson, une chorale, conduite par la maîtresse d’école. Puis la bénédiction religieuse, couvée par les édiles. La directrice de la société, Mme Golinvaux, n’est pas peu fière: C’est un superbe coq, avec toutes ses plumes. Bien plus beau que ses homologues contemporains, trop stylisés.
Pourtant, Mme Golinvaux a eu quelques sueurs froides avec la statue, de cuivre, recouverte de fines feuilles d’or. Nous nous sommes demandé si nous arriverions à le restaurer. En 1945, lors de la victoire des alliés, des gens ont tiré en l’air. Ils ont touché le coq de l’église. Nous l’avons constaté au moment de la restauration. Nous nous sommes demandé s’il était possible de le réparer sans trop lui laisser de cicatrices. Mais j’ai tenu à laisser en place un tel témoin du temps. Je le trouve d’ailleurs superbe.
Bien plus que dans l’atelier, le coq d’Ochamps a fière allure au sommet de l’édifice, par 40 mètres d’altitude. Et puis il surveille les ouailles.
Sur des sommets classés
PORTRAIT
Prénom. Colette.
Nom. Golinvaux
Profession. Gérante de l’entreprise Golinvaux.
En plantant le coq au sommet de l’église d’Ochamps (Libin), Colette Golinvaux opérait aussi un retour aux sources. Car c’est à Ochamps qu’est née, durant la Grande Guerre, l’entreprise qui porte son nom. C’était en 1915, le temps du grand-père, du grand-oncle. J’ai toujours grandi dans une ambiance de toiture, de clocher, dit la gérante. L’ambiance? Quand j’étais enfant, on me racontait que mon père n’avait jamais eu le vertige. Qu’il était né pour travailler sur les clochers. Au siècle dernier, les Golinvaux ont donc passé le relais au fils. Puis, il y a 21 ans, en raison du décès prématuré de ce dernier, à sa fille Colette.
L’entreprise occupe 17 personnes qui n’ont d’yeux que pour la hauteur, sans jamais avoir droit au vertige. Car Golinvaux ne vit que pour, que par la toiture. Non celle qui couvre la maison, mais les bâtiments les plus prestigieux en Wallonie, à Bruxelles et dans les départements voisins.
Sauf exception, nous travaillons uniquement sur les bâtiments classés, les couvertures d’ardoise, de zinc, de plomb, de cuivre. L’entreprise Golinvaux «pèse» aujourd’hui un chiffre d’affaires de 65 millions de francs (1,5 million d’euros). La restauration du clocher d’Ochamps est aussi, pour nous, l’occasion de montrer que les «anciens» partagent leurs secrets avec les plus jeunes.
Mme Golinvaux et ses hommes ont une belle carte de visite à faire valoir: l’ancien couvent des Sépulcrines à Bouillon, la cité Fontainas à Bruxelles, la collégiale de Florennes, le beffroi de Mons, des dizaines d’églises en Belgique et dans les départements français.
M. Pt